Exposition « Ère de repos », installation dans le lavoir, nylon, eau, (90x400x120cm)


« Les monades : c’est ainsi que je nomme ces structures. Elle sont à envisager comme des individualités corporelles : elle voient le jour, croissent, se développent, se construisent puis prennent place, interagissent entre elles et avec leur environnement, avec le spectateur, dans cette optique.
En tant que corps, elles sont concernées par la question du repos.
Ce repos est pour le corps l’instant d’un replis où les interactions avec l’extérieur se réduisent dans un mouvement de concentration, dans une dynamique de recentrement : c’est pour cette raison que la liaison avec la question de l’intimité semble s’approcher de manière assez naturelle.
Le lieu du lavoir me parait fortement connecté à ces idées : son rôle et sa position dans l’espace du château en font un espace qui n’est pas celui de l’exposition. C’est un lieu caché qui sort du cadre de la représentation pour se concentrer sur une fonction. Mais hors du temps de la fonction, il semble baigné dans une suspension du temps, propice au silence ; au calme et au retrait.
Le projet pourrait se développer comme le scénario d’un moment de repos et d’intimité d’une monade profitant du calme et de l’eau du lavoir. »
« Jean-Marc Lefèvre
Orfèvre de l’apesanteur
Là où nous ne voyons au premier coup d’œil que nuage et légèreté, l’artiste rectifie : « Ce sont des
Monades ». Un terme suffisamment flou pour lui convenir ; l’Unité parfaite selon les Grecs, la
substance première et indivisible dont est composé chaque être selon Leibniz. Portrait d’un
plasticien aux obsessions en boucle.
Ce 27 juin-là, la foule se presse au vernissage de l’exposition « Ère de repos », au Château
d’Avignon. Soudain, une incroyable lueur émane du lavoir centenaire. Il est 21 heures
tapantes, le soleil de Camargue darde son ultime rayon, embrasant d’un coup l’entrelacs de
fils de nylon en apesanteur sur les eaux noires du bassin. L’immense structure que l’on
prenait pour un nuage diaphane perd ses contours, sa matière, s’enflamme de l’intérieur,
diffuse une irisation irréelle. […]
Instant de grâce
Le petit miracle qui vient de toucher sa Monade, quatre mètres de long et quelques centaines
de grammes, coupe le souffle des témoins. Le long jeune homme, lui, n’en tire qu’une
nouvelle leçon d’humilité : il n’est que l’agent qui dialogue avec “sa” forme, un très long
dialogue noué avec 2,5 kilomètres de fil, physiquement si intense qu’il doit
l’interrompre au bout de quatre heures pour le reprendre, chaque jour, pendant deux mois.
« Je n’ai pas de goût particulier pour ce qui est long et pénible, et je me retrouve toujours
dans cette situation. » Dans un état second, il s’émerveille de voir grossir la chose en tous
sens, lui échapper malgré ses gestes mille fois répétés – nœud, courbe, nœud, contrecourbe
tous les cinq centimètres –, comme une division cellulaire proliférant en toute anarchie. Une
anarchie, bien sûr, parfois contrainte en sphère ou en volute, mais toujours en douceur.
« J’aime beaucoup le laisser-faire. D’aucuns qualifient ma démarche d’autiste, mais moi
j’écoute ma pièce, chaque nœud me place face à une nouvelle question. Dans quel sens la
faire repartir, où veut-elle aller, à quel moment lui suggérer d’autres possibles ? » »
pour L’Express Styles,
Marie-Amal Bizalion